30 ans déjà!
Durant toute cette année 2016, nous vous raconterons l’histoire de la Casa Nicaragua, cette folle aventure solidaire collective.
Les années ’80, pourquoi en Pierreuse et à Somoto?
C’était il y a 30 ans déjà, au printemps 1986, le 21 mars exactement,…
… la CASA NICARAGUA ouvrait ses portes, après 6 mois de rafistolage, bricolage pour qu’une seule pièce, celle de devant, soit praticable. Le plafond qui pendait avait été remonté et fixé par deux planches historiques que l’on peut encore contempler, des couches de balatum arrachées, le plancher nettoyé, poncé, teint et verni, les murs blanchis, les boiseries peintes en bleu Méditerranée, un bar en vieilles briques édifié, un poêle à bois placé avec gravée, l’effigie de Sandino.
Commençait la folle aventure solidaire collective: l’occupation et l’auto-rénovation du 23 en Pierreuse s’inscrivant dans la lutte contre la destruction des maisons du bas de la rue, ébranlées par le tremblement de terre de 1983 ainsi que l’ouverture d’une table d’hôte, un petit resto, cuisine du monde, dont les bénéfices aideraient à la reconstruction d’un Nicaragua ravagé par une guerre civile, les suites d’un tremblement de terre et menacé, attaqué par les ennemis de sa révolution sandiniste, progressiste. « Quartier menacé, pays menacé » en Pierreuse et ailleurs.
Si l’on remonte dans le temps, tout d’abord pourquoi Pierreuse? Qu’est-ce qui motivait le choix de vivre dans ce quartier? L’engagement social et humain, un esprit de lutte, la diversité culturelle, le mélange des populations, la convivialité.
La maison médicale ses médecins et infirmières très disponibles, la maison des jeunes, son école de devoirs, ses entraînements sportifs, l’école des petits Cour des Minimes et la petite école rue Saint-Servais où couraient les enfants de la rue Volière, de la rue Pierreuse, avec ses institutrices qui connaissaient chaque enfant.
Le bureau d’aide juridique aux habitants pour leurs démarches administratives, le salon de thé maghrébin au 57 et la maison communautaire fraternelle au 45 en Volière ouverte à tous, le comité contre la répression au Maroc au 84. Le comité de quartier qui prévenait et luttait contre les projets de destruction tout en réveillant les traditions comme la fête du quartier trop longtemps abandonnée et la fête de Sainte-Rosalie chère à la communauté italienne sans oublier l’épicerie de Djudju où se croisaient les habitants italiens, turcs, marocains , belges d’origine ou nouveaux arrivés.
En effet, Pierreuse a toujours eu une vocation d’accueil des migrants et les réfugiés Chiliens l’ont trouvé à leur goût d’autant plus que sa rue en pente leur rappelait Valparaiso. Ce sont eux qui nous ont fait connaître et partager les luttes en Amérique latine. Aussi, quand les Sandinistes au NICARAGUA ont renversé le dictateur Somoza en juillet 1979 surgit l’espoir et le désir de soutenir l’effort d’un pays qui voulait se reconstruire collectivement au lieu de se limiter à dénoncer les dictatures au Chili, au Brésil, en Argentine, en Uruguay, au Paraguay…
En outre, le programme que le gouvernement sandiniste tentait de mettre en place était enthousiasmant: économie mixte, pluralisme politique, campagne d’alphabétisation, lutte contre la malaria, redistribution des terres, l’éducation, la santé et la terre pour tous. C’était pourquoi le Nicaragua dans les années 80!
Et Somoto?
L’idée d’un jumelage solidaire nous a amenés l’été 1981 sous le conseil d’une jeune ministre des villes, dans une région aride et montagneuse, la région de Madriz au Nord-Ouest du Nicaragua, le Tropisec, une région défavorisée, sans grande ressource sinon des ressources humaines. Nous y avons rencontré des gens formidables qui nous ont ravis le cœur jusqu’à aujourd’hui, eux n’étaient ni secs, ni arides! Don Reinerio, le coordinateur de la Junta municipal, c’est-à-dire le bourgmestre de Somoto, et sa femme Doña Paquita, directrice d’école, responsable de la campagne d’alphabétisation dans sa région, une femme extraordinairement accueillante, chaleureuse et drôle, supportant tous les gringos même les plus difficiles. Reinerio , à la révolution, avait cédé ses terres à des paysans sans terre pour y construire leur maison, résistant clandestin sous la dictature, il n’avait voulu en tirer aucun avantage. C’était un idéaliste, un homme intègre de conviction et d’action, il était aussi un grand sportif, un artiste peintre, plein de finesse et d’humour. Il nous a montré tous les projets initiés par les habitants depuis lors: excavation d’égouts, organisation d’une crèche et d’ateliers de couture, exploitation de l’agave pour en faire des cordes et des tapisseries.
Il nous a conduits dans un quartier dynamique -el sector 2- où les habitants projetaient de construire eux-mêmes une petite école maternelle afin que les mamans puissent aller travailler sans laisser leurs enfants à la rue sous la garde d’aînés trop jeunes. C’est le premier projet soutenu par Solidarité Nicaragua, un groupe de Liégeois et de Latinos qui donnera naissance 5 ans plus tard à l’équipe de la Casa Nicaragua. Le contact avec l’extrême pauvreté s’accompagnait d’un constat réconfortant: les habitants voulaient améliorer leur sort, ensemble, sans rien attendre, ils s’y mettaient tout de suite . Et l’année suivante, en 1982, quand nous sommes revenus avec les premiers sous gagnés par la solidarité, 30.000 francs belges, l’école – encore existante – était construite, et l’argent n’a servi qu’ aux finitions, à ajouter les toilettes, à acheter le mobilier élémentaire.
A partir de là, nous avons eu comme principe de ne soutenir que ce que les gens voulaient vraiment et commençaient eux-mêmes, notre aide n’était qu’un plus.
Le fait d’avoir rencontré des personnes de qualité dès nos premiers pas au Nicaragua nous a encouragés à poursuivre et surtout de constater que la participation populaire née de la résistance et de la révolution, renforcée par une aide concrète, faisait des merveilles. Les projets se sont enchaînés: soutien à des écoles de Somoto puis aux écoles rurales des alentours puisqu’une des priorités des Sandinistes était l’éducation.
Durant la guerre contre les Contras qui, avec le soutien des Américains dès l’élection de Reagan, ont commencé à attaquer les acquis économiques du nouveau gouvernement (destruction des réserves à grains, des récoltes de café, des séchoirs à tabac…) nos amis campesinos (agriculteurs) nous ont demandé une aide pour leur collectif de petits producteurs à UNILE (6 km) car il y avait pénurie de nourriture.
C’est alors que notre ami technicien agricole Philippe Descamps sollicité, a fini par créer à Somoto une section de l’UNICAM (Universidad Campesina) pour laquelle il travaillait à Esteli (75 km au Sud ). Nous avions trouvé un partenaire privilégié, une ONG nicaraguayenne dont le but était la formation des campesin@s en agriculture biologique et en gestion communautaire. Ce partenaire itinérant soucieux d’atteindre les communautés les plus éloignées nous a permis d’essaimer et d’arriver à CUSMAPA terre indigène, au lieu de privilégier toujours les mêmes à Somoto, Unile…
Suite au prochain épisode…